Dualité entre exploitation minière et pauvreté des populations

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Dans sa note d’information de novembre 2013, s’intéressant à  l’enjeu de la renégociation des contrats miniers d’AREVA, Oxfam France intitulait : « Niger : à qui profite l’uranium ? ». Dans son exposé, on pouvait lire qu’« En France, une ampoule sur trois est éclairée grâce à l’uranium nigérien [tandis que] au Niger, près de 90% de la population n’a pas accès à l’électricité ». Entre exploitation de l’uranium et pauvreté de la population, y’a-t-il une corrélation ?

Au Burkina, l’on s’est très vite fait de se réjouir de la découverte d’un site minier dans tel ou tel localité. A tord ou à raison, une telle découverte sonne comme celle d’un vaccin contre le paludisme. On croit se guérir de la pauvreté. Quand nous parlons de dualité entre exploitation minière et pauvreté des populations, nous nous intéressons notamment aux populations locales c’est-à-dire celles qui sont dans les régions à exploitation minière. La dimension nationale suivra plus tard.

L’exploitation minière est une activité économique qui doit contribuer à l’amélioration de la situation socio-économique des populations locales en créant de l’emploi dans ce secteur et en ayant un effet d’entraînement sur d’autres pans de l’économie. Si elle améliore les ressources de l’Etat, elle lui donne par suite plus de capacité à assumer les dépenses utiles pour la société dans le domaine de l’éducation, la santé, les infrastructures, l’assainissement, la communication, etc.). C’est justement pour cela que l’implantation d’une industrie extractive est vue à priori comme un vecteur de soulagement. Mieux, elle s’accompagne assez souvent de programmes de développement locaux dont l’objectif vise à atténuer ou compenser les effets néfastes de l’activité projetée. Les divers textes exigent des programmes sociaux et environnementaux pour résorber le manque. On parle même très souvent de responsabilité sociale des entreprises minières. Mais là, il faut éplucher la plus part des codes miniers des pays de l’Afrique Ouest francophone pour avoir l’impression que cette notion paraît mécaniquement introduite pour faire plaisir à une donne internationale. Dépourvue de contenu et de portée, qu’est-ce que la RSE minières ? Le code minier de 2003, Burkina Faso, n’a pas pris la peine de donner une définition ni même consacré un article à son sujet. Ça fait trop penser. On ne sait pas encore ce que le Conseil National de Transition va déposer entre nos mains concernant le nouveau code. Même en parlant de responsabilité sociale et environnementale, l’on recherche parfois en vain son contenu qui manque d’être quantifiable et qualitatif. Sachons qu’ « Il n’y a rien de si extravagant que de faire périr un nombre innombrable d’hommes pour tirer du fond de la terre l’or et l’argent » Montesquieu, Lettres persanes. Quand on observe la ruée des investisseurs miniers dans notre pays, on devrait être à mesure de dire que la pauvreté recule à toute vitesse. Pourtant, ce n’est pas évident.

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Il est du devoir du Burkina d’offrir aux investisseurs un environnement propice à leur enrichissement. Mais pour des raisons d’équité, il est indispensable qu’il ne faut soustraire ni la garantie au respect des droits fondamentaux, ni l’amélioration à court, moyen et long terme des conditions de vie de la population. Si les programmes d’amélioration n’ont pas tenus leurs promesses, c’est parce qu’ils n’ont pas été accompagnés de volonté politique. On a souvent « mal à la volonté ». En lisant par exemple Richard Auty dans Ressource abundance and economic development (2001), on croit réellement à « la théorie des richesses maudites ».  Toutefois, cette thèse n’est pas avérée dans l’absolue lorsque l’on observe la croissance économique durable du Botswana et le Développement progressif de la Guinée Equatoriale. Hervé EBODE in « Projets miniers contemporains au Cameroun : Projets de Développement durable ? – Cas du Projet Géovic –» contredit assez bien cette thèse. Nous avons une exploitation abondante des ressources minières abondantes. Pour absorber la pauvreté il est simple. Comme on est tous unanime qu’il faut sortir les femmes (52% de la population) et les jeunes (+65% de la population) des filets de la pauvreté pour bouter celle-ci hors de nos frontières, on a l’avantage d’être orienté. Malheureusement, et dans notre cas surtout, plus on découvre une dune d’or plus la pauvreté s’accentue dans cette localité. C’est la dégradation de l’environnement et donc des terres cultivables après l’expropriation de celles-ci, la chèreté de la vie dans les zones couvertes, l’inégale répartition des revenus au bénéfice de la population locales, l’absence de projets de développement fiables et durables pour les populations locales et notamment femmes et jeunes.

Au plan local déjà, il faut obtenir et gérer les informations nécessaires à l’évaluation puis à la mise en valeur de la ressource : ces informations sont nécessaires aux prises de décisions par les parties prenantes nationales et locales ; améliorer l’attractivité, la gouvernance et la transparence, afin d’investir, de partager les profits et de les affecter à travers des arbitrages explicites dans des projets de développement au profit des populations locales ; passer d’une économie de rente à une économie de croissance partagée ; l’emploi, le travail décent, la création d’entreprises, le transfert de technologies sont indispensables au développement. Si cela est maitrisé, il va de soi que son effet sera national. D’ailleurs, dans presque toutes les localités du pays ce n’est que des mines en exploitation. Professionnaliser l’artisanat minier : à travers formations et sensibilisations aux bonnes pratiques, regroupement formel sans parti pris, soutenir l’émergence de petites entreprises locales, dont les bilans économique, social et environnemental seraient porteurs de développement local. Cela implique, d’une part, la reconnaissance de leur activité à travers un cadre institutionnel spécifique traitant notamment de la sécurité foncière; et d’autre part,  l’élaboration d’un programme sérieux de formations à leur profit. Des actions de formation aux bonnes pratiques in situ et adaptées au contexte social et soutenues par des transferts de technologies demeurent une nécessité. Quoique l’on puisse polémiquer autour de ces exploitations, une chose au moins est certaine : les revenus issus de ces exploitations minières entrent directement dans les mains des populations locales. C’est d’ailleurs, une source sérieuse de développement en ce sens que les revenus tombant directement dans les mains de populations locales sont directement injectés dans des petites activités économiques déjà existante ou affectés à la création d’activités porteuses de développement local. Que nous coûte son organisation formelle ? Parmi les nombreuses mauvaises organisations qui existent, celle qui consiste en une organisation éphémère mais récurrente est la ruée précipitée des foules hétéroclites attirées par des rêves de fortune vers des gisements “neufs” et réputés riches. Celle-ci mobilise des milliers de personnes.

On ne boute pas la pauvreté à travers un conseil des ministres comme on prend un décret pour mettre fin à une fonction. Qu’est ce que cela coûterait que chaque société minière alimente un Fonds de Local pour Femmes (FLF) en vue de l’autonomisation des femmes des localités en exploitation minière. L’attribution de parts sociales non diluables au profit de la région pourrait contribuer à financer les opérations de développement entreprises par les jeunes.

Riva A. BONKOUNGOU

Fiscaliste-Juriste des mines & Energie

Dir-Associé Cabinet TS_Ltd

Membre

 Cadre d’Action des Juristes de l’Environnement

Burkina Faso

Courriel : rivanselme@yahoo.fr

Tél : +226-79 773 102

2 réflexions sur “Dualité entre exploitation minière et pauvreté des populations

  1. bel article qui évoque l’essentiel du problème de la pauvreté de nos populations, l’exploitation des ressources naturelles qui ne profitent qu’ aux mieux nantis. les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. on a l’impression effectivement que la découverte d’un filon est une malédiction pour les populations locales. les révoltes qui s’en suivent sont celles que l’on connait. saccage des biens publics et privés, refus de laisser les sociétés exploiter,…!!!

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